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C’est son avis « La filière viande bovine a oublié le consommateur »

Éleveur et président de l’Institut charolais, Henri Guillemot est convaincu que l’apport d’un maximum d’informations au consommateur est une clef pour relancer la filière. Le niveau de la qualité gustative de la viande figure parmi les renseignements indispensables.

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Faire preuve d’humilité

La filière viande bovine française suit une logique de l’offre et non de la demande. Nous nous gaussons de produire une viande excellente, mais le consommateur est parfois déçu. Je suis certain que l’irrégularité de la qualité gustative explique en partie la baisse de la consommation. Parmi les raisons de cet échec : un système qui érige la conformation des carcasses comme base de la qualité de la viande. Or, si le classement EUROP présente un intérêt pour les transformateurs, il n’apporte aucune garantie dans l’assiette.

Pour répondre à cette problématique, la profession a mis en place un classement des morceaux par étoiles, censé refléter leur potentiel de tendreté. C’est une catastrophe. En se basant sur un potentiel de qualité générique pour chaque morceau, il nie l’hétérogénéité des carcasses. Le label rouge lui-même ne rime pas toujours avec satisfaction des papilles, contrairement à ce qu’il affiche.

L’exemple australien

En pleine crise de l’élevage, il est urgent de remettre le fonctionnement de notre filière à plat, et de s’inspirer des démarches entreprises par d’autres pays. Avec le modèle de prédiction MSA (1), l’Australie a replacé le consommateur au cœur de la filière depuis une dizaine d’années. Dans ce système, la qualité de la viande est prédite à partir de critères avant et après abattage. Je suis convaincu qu’il nous faut faire de même à l’échelle européenne. L’Irlande et la Pologne paraissent très motivées par cette idée, alors que la France freine des quatre fers. Avec une telle attitude, nous risquons de rater le coche et de le payer sur le marché national, mais aussi à l’international. En effet, si nous débarquons sur le marché chinois avec des produits de qualité hétérogène, soyons sûrs que les acheteurs se tourneront rapidement vers des fournisseurs plus sérieux.

Circuit court numérique

Offrir une indication fiable de la qualité de la viande est une base qui doit s’inscrire dans un cadre plus global de réinformation du client final. Le développement de la distribution en grande surface se traduit par une perte d’information pour le consommateur et l’éleveur. Le rôle de médiateur était autrefois endossé par l’artisan boucher, mais ce métier n’occupe plus une place centrale.

Côté éleveurs, nous n’avons plus aucun retour sur la qualité de nos produits. Ce serait pourtant un levier d’amélioration de nos méthodes et de notre rémunération.

Côté consommateurs, les informations délivrées par l’étiquette des barquettes sont beaucoup trop sommaires pour se faire une idée de la valeur de la viande. A minima, il devrait y figurer la date d’abattage, pour connaître la durée de maturation. Mais une multitude d’autres renseignements sur le mode d’élevage et de transformation pourraient être accessibles. Je ne plaide pas, bien sûr, pour une étiquette de quatre pages mais, à l’heure du numérique, je crois à des innovations permettant à chaque consommateur d’aller chercher sur un smartphone les informations qui l’intéressent. Ce serait une sorte de « circuit court numérique ». Parallèlement, un nouveau système de rémunération des éleveurs pourrait voir le jour, pour intégrer au calcul tous les efforts consentis.

Propos recueillis par Valérie Scarlakens

(1) Meat Standards Australia.

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